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Fusion TF1-M6 : le projet avorté


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Fusion TF1-M6 : le projet avorté

Mai 2021, les groupes télévisuels TF1 et M6 annoncent leur volonté de fusionner. Près d’un an et demi plus tard, le 16 septembre, alors que le projet touchait à sa fin (l’Autorité de la concurrence devait rendre son verdict mi-octobre pour autoriser ou non la fusion TF1-M6), le groupe Bouygues (TF1) annule. Pourquoi un tel revirement de situation ?

Dans cet article...

Naissance du projet de fusion TF1-M6

Le projet de fusion TF1-M6 remonte donc au 17 mai 2021 dans un communiqué de presse. Le groupe Bouygues (TF1) compte racheter le groupe M6 pour “créer un groupe de médias français d’envergure”, dans le but de “relever les défis résultant de l’accélération de la concurrence des plateformes numériques mondiales, actives sur le marché publicitaire français et dans la production de contenus audiovisuels de qualité”. Autrement dit, TF1 et M6 souhaitent rester compétitifs par rapport à Netflix ou d’autres plateformes de streaming.

L’annonce fait du bruit, car la fusion TF1-M6 ferait de cette nouvelle entité télévisuelle un géant face aux autres chaînes : à elle seule, elle représenterait 40% de l’audience et 71% du marché publicitaire.

Fusion TF1-M6 parts d'audience (2)

Revenons sur ces deux mastodontes de la télévision française :

👉 Le groupe Bouygues

Le groupe Bouygues, détenteur de TF1, possède également cinq chaînes en clair, sur le canal de la TNT (TF1, TMC, TFX, LCI et TF1 Séries Films) et quatre chaînes cryptées. Il gère également la production de films et de séries télévisées pour alimentées ses chaînes, avec deux filiales de productions, TF1 Films Production, TF1 Production et Newen Studios. Il gère également sa publicité avec sa propre régie publicitaire et a une expertise en télécommunication, puisqu’il contrôle aussi Bouygues Télécom.

👉 Le groupe Métropole Télévision

Le groupe Métropole Télévision a également pour activité principale l’édition de chaînes de télévision en clair (M6, W9, Gulli et 6Ter) et payantes. Il possède également des filiales de production et de régie publicitaire, comme Bouygues. A la différence de celui-ci, le groupe Métropole Télévision possède également des radios, celle de la filliale RTL France (RTL, RTL2 et Fun Radio).

Autant dire que la fusion TF1-M6 ne plaît pas forcément aux partisans du pluralisme des médias. Heureusement, un tel projet ne se fait pas comme cela du jour au lendemain, et il doit passer certaines étapes avant d’être viable.

Etude du projet

C’est l’Autorité de la concurrence qui doit donner son feu vert à cette fusion. Et pour cela, l’autorité administrative doit étudier le dossier. L’examen est débuté en mars 2022. Elle s’est d’ailleurs réunie en séance plénière début septembre, pour entendre les acteurs majeurs du secteur sur le sujet.

Le petit + :

L'Autorité de la concurrence est un organisme indépendant chargé de veiller à un certain équilibre dans les rapports de force des acteurs économiques. Elle ne s'occupe donc pas que des médias. Le contrôle des opérations de fusion-acquisition fait parti de ses quatre compétences.

L’Autorité de la concurrence devait rendre son verdict le 16 octobre. Mais le groupe Bouygues l’a devancé en annonçant l’annulation du projet de fusion TF1-M6 le 16 septembre.

Pourquoi un tel revirement ?

Dans son communiqué de presse, le groupe Bouygues justifie son choix par le fait que “le projet ne présentait plus aucune logique industrielle”. En effet, même si l’Autorité de la concurrence n’avait pas encore rendu sa réponse, elle avait tout de même déjà posé quelques conditions :
👉 Les deux groupes devaient conserver une régie publicitaire séparée pendant au moins trois ans
👉 Ils devaient aussi vendre une de leur chaîne phare, TF1 ou M6

C’est ce dernier point qui ne passe pas. Si les deux groupes étaient prêts à séparer leur régie publicitaire, allant même au-delà du délai de trois ans imposé (ils ont proposé un délai de 5 ans), ils ne le sont pas à vendre une chaîne. Le projet de fusion TF1-M6 s’arrête donc là.

Les conséquences de l'annulation

L’article 41 de la loi des libertés de communication interdit à un groupe de posséder plus de 7 chaînes sur la TNT. Or, avec leur fusion, TF1 et M6 en aurait possédé 10. Le 28 février, le groupe TF1 et M6 avait donc annoncé qu’il allait vendre TFX et 6Ter au groupe Altice (Patrick Drahi qui possède déjà cinq chaînes, dont BFMTV et RMC). Une décision validée par la suite par l’ARCOM, sous condition que la fusion TF1-M6 soit validée par l’Autorité de la concurrence

Le groupe Altice s’était même félicité de ce possible achat, et avait déjà annoncé les grandes lignes des deux chaînes : la 11, anciennement TFX, aurait été une chaîne “généraliste et conviviale”, une “porte d’entrée vers RMC et BFMTV”, tandis que la 22, anciennement 6Ter, aurait été “une chaîne familiale positive du bien-être et du bien vivre en famille”, selon Stéphane Sallé de Chou, directeur général de RMC Découverte et RMC Story.

Il est donc possible que l’annulation de la fusion TF1-M6 mette à mal le projet de rachat : le groupe Altrice va devoir réaffirmer ses positions. Car malgré tout, le groupe M6 est toujours à vendre. Et si ce n’est pas Bouygues qui l’achète, alors il se pourrait que Vincent Bolloré fasse main-basse sur les chaînes de Métropole Télévision, selon Isabelle Roberts, journaliste sur LesJours.fr, et qui s’occupe de la série d’articles sur le sujet.

Les deux groupes TF1-M6 sont également détenteurs de la plateforme de vidéos à la demande Salto, avec France Télévision. La fusion aurait d’ailleurs déséquilibré les relations au sein de cette plateforme (le groupe TF1-M6 aurait alors 66,6% des parts et France Télévision ne ferait pas le poids avec ses 33,3%). France Télévision avait donc indiqué en mars 2022 vouloir se retirer du projet Salto. Le groupe TF1-M6 aurait alors racheté ses parts. Là aussi, le retrait du projet devrait rebattre les cartes : peut-être que France Télévision restera finalement sur Salto.

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