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Médias indépendants : la nécessité de l’abonnement


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Médias indépendants : la nécessité de l’abonnement

“Certains nous ont affublé du sobriquet Mendicité”, rigole le cofondateur de Médiacités. Derrière cette blague, une réalité : les médias indépendants rencontrent souvent des difficultés économiques et sont obligés de mendier des abonnements.

Dans cet article...

Médias indépendants, modèle économique

Streetpress lance un appel au don, tout comme Siné Mensuel,  Médiacités recherche 2000 abonnés avant la fin de l’année : les médias indépendants font grise mine. Et cette dynamique se répète à peu près tous les ans : pour Médiacités, l’appel était déjà lancé en 2021.

Alors pourquoi, à chaque fois, de tels appels aux dons et au soutien ? Est-ce le modèle économique des médias indépendants qui est défectueux ?

Vous vous en doutez, la situation est plus complexe qu’un simple constat d’échec : si force est de constater que les lecteurs ont du mal à débourser pour payer des abonnements, que ce soit pour de la presse en ligne ou papier et que l’inflation touche aussi ces médias indépendants, ces derniers n’abandonnent pas le navire pour autant.

Le modèle économique de ces médias indépendants repose bien souvent sur un principe simple : pas de publicité. En effet, la publicité “induirait un doute dans l’esprit du lecteur”, selon Jacques Trentesaux, cofondateur de Médiacités.

Comment faire la critique d’une marque quand on en a fait la publicité dans le numéro précédent ? Cela n’aurait en effet pas beaucoup de sens. C’est pourquoi la plupart des médias indépendants, pour garantir cette indépendance, se passent de publicités.

Le modèle économique des médias indépendants est donc avant tout indexé à des valeurs : indépendance, bien évidemment, mais aussi, souvent, transparence et prise en compte des lecteurs. Ce sont ces valeurs fortes qui sont censées donner envie aux citoyens de s’abonner, en soutien à ces valeurs.

Oui, mais voilà : aujourd’hui, qui est prêt à payer, même 6€ par mois, pour lire de la presse écrite, à l’heure où la plupart s’informent uniquement sur internet et les réseaux sociaux ? Difficile à dire.

Jacques Trentesaux cofondateur de Médiacités un médias indépendants

Alors pour atteindre l’équilibre financier, il faut compter sur les dons, les abonnements.. D’où ces appels incessants pour conquérir de nouveaux lecteurs.

Le fond pour une presse libre

Pour faire face à ces problèmes économiques et pour booster leur trésorerie, il y a donc plusieurs solutions : l’appel aux dons, comme on l’a vu précédemment, mais pas seulement.

Depuis 2019, le Fond pour une presse libre (FPL), un organisme à but non lucratif, se propose de donner un coup de pouce aux médias indépendants dans le besoin : il suffit de déposer un dossier en expliquant le projet du média (qui doit être certifié Information Générale et Politique IGP) et, s’il est retenu, il recevra une aide financière de la part du Fond.

Cette année, les médias indépendants soutenus sont au nombre de neuf :
👉 Inf’OGM, enquêtes et information sur les OGM.
👉 L’Empaillé, revue d’enquêtes et de parti-pris sur la région Occitanie.
👉 La Déferlante, revue et lettre d’information sur les révolutions féministes.
👉 Le Courrier des Balkans, site de référence sur l’actualité des pays des Balkans.
👉 Mediacités, site d’enquêtes sur les villes de Lille, Lyon, Toulouse et Nantes.
👉 Reflets.info, journal d’investigation et d’information‑hacking.
👉 Splann !, enquêtes sur l’environnement et les dégâts de l’agro-industrie en Bretagne.
👉 Street Press, média d’enquêtes et de culture urbaine.
👉 Transrural Initiatives, le magazine des territoires ruraux.

Le Fond pour une presse libre se fait également le porte-parole des médias indépendants, au même titre que le SPIIL (Syndicat de la presse d’information indépendante en ligne) . 

En septembre dernier, ils ont par exemple relayé un appel soulignant que les aides à la presse allaient en majorité aux gros médias, détenus par des actionnaires déjà très riches, et peu aux médias indépendants.

Le FPL a cependant une action limitée : Médiacités, qui en bénéficie cette année, cherche tout de même ces abonnements : “l’abonnement nous semble la meilleure façon de financer cette activité. On défend beaucoup l’abonnement annuel parce que cela nous permet d’avoir de la trésorerie d’avance. Parce que les gens s’abonnent avant de recevoir les articles. Donc quelque part, on a les recettes avant les dépenses et ça, ça nous aide grandement à continuer”, explique Jacques Trentesaux.

Rediffusion du live Instagram du 10 novembre avec Jacques Trentesaux, cofondateur de Médiacités.

Médias indépendants : problèmes de justice

A ces problèmes initiaux de fonctionnement s’ajoutent aussi parfois des frais de justice. Parfois assez conséquents.

Comme souligné plus haut, les médias indépendants partagent des valeurs et beaucoup renouent avec le journalisme d’investigation : dans la liste des médias indépendants soutenus par le FPL six sur les neufs sont spécialisés dans l’enquête.

Or, lorsque l’on révèle des informations, cela ne plaît pas forcément aux entreprises et personnalités concernées. Reflets.info en a fait les frais récemment. Médiacités à de nombreux procès en cours.

Tout cela coûte cher et peut conduire à l’arrêt définitif d’un média. Pour compenser ces frais, les médias indépendants font donc généralement appel aux dons de leurs lecteurs.

Tout cela contribue donc encore à ces nombreuses annonces que l’on voit passer sur les réseaux sociaux. Le problème, c’est que trop d’annonces peuvent aussi dégouter l’utilisateur.

Les solutions ?

Quelles solutions alors pour les médias indépendants ? Car certains médias indépendants semblent tout de même s’en sortir. C’est le cas de Médiapart, précurseur de l’abonnement en ligne. Ce média avait fait le pari, un peu fou à l’époque, d’un paywall total. 

👉 Le paywall

Un paywall, ou péage de lecture numérique en français, permet de mettre en ligne des articles dont la lecture ne peut se faire qu’en payant ou en étant abonné. Il existe trois types de paywall :
👉 Le paywall dur : aucun contenu gratuit ne filtre (Médiapart)
👉 Le paywall souple: payant au-delà d’un nombre d’article consulté
👉 Le freemium : certains articles gratuits, d’autres payants (Libération, le Monde)

Si le paywall souple a eu un beau succès il y a cinq-six ans, ce n’est plus le cas maintenant : la plupart des médias, qu’ils soient des médias indépendants ou non, choisissent le freemium.

Et justement, suivant le modèle de Médiapart, beaucoup de médias indépendants font le choix d’un modèle de paywall dur. C’est un pari risqué : le flux est moindre, car les gens sont peu habitués à devoir payer pour consulter des articles en ligne.

👉 Equity Crowdfunding

De temps en temps, les médias indépendants peuvent aussi organiser un equitiy crowdfunding. C’est le modèle économique qu’avait choisi Les Jours au moment de se lancer. 

Il s’agit d’un appel au don, mais un peu particulier : les donateurs deviennent ensuite actionnaires du média et récupèrent donc un petit pourcentage des bénéfices.

Ce type de financement permet de donner un coup de boost au média, notamment au moment du lancement, mais aussi parfois, avant de rencontrer des difficultés financières.

Quoiqu’il en soit, les médias indépendants proposent toute une variation de modèles économiques différents. Ces derniers peuvent ensuite être repris dans le business modèle de plus grands médias mainstream (à l’origine le freemium n’avait pas forcément la côte).

Il est important de bien réfléchir au modèle économique avant de lancer son média : cela pourrait avoir une incidence sur la durée de vie de ce dernier.

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